Ne pas fuir dans un paysage politique dévasté.

Ne pas fuir dans un paysage politique dévasté.

(Corinne Morel Darleux, mercredi 9 décembre 2015)

Après l’annonce des résultats dimanche soir, j’ai enchainé RCF, France Bleue, le Dauphiné

Libéré et France 3, puis œuvré à respecter la nuit qui a suivi au mieux le mandat de notre

assemblée représentative. J’ai eu besoin d’un peu de temps ensuite pour reprendre mon

souffle avant de faire un billet de blog pour éclairer la situation. Les discussions d’entre-deux

tours ont été longues et rudes et il nous a fallu finaliser beaucoup de choses, assumer le

coup des résultats aussi, en prendre la mesure et un peu de repos. Pour réussir à résister au

séisme et ne pas céder à la tentation de fuir.

Tout d’abord, je veux préciser à tous le cadre dans lequel nous avons avancé ces derniers

jours, connu depuis le début et auquel chacun pouvait librement participer : nous avons eu

une assemblée générale du PG Auvergne et Rhône-Alpes le 22 novembre, suivie d’une

coordination régionale PG Auvergne et Rhone-Alpes le 5 décembre, et enfin d’une

assemblée représentative du Rassemblement dimanche soir, la cinquième de la campagne,

dont il a toujours été convenu qu’elle serait décisionnaire in fine. Nous nous réunissons ainsi

régulièrement depuis un an sans compter nos heures afin que chacun dispose d’un espace

où s’exprimer de manière argumentée.

Nous avons tenu les trois objectifs décidés par ces différentes assemblées, qui étaient de

chercher les conditions nous permettant de faire entendre notre voix et représenter nos

électeurs de premier tour dans la future assemblée régionale, de faire barrage à la droite

extrême de Wauquiez et au FN, en garantissant l’indépendance de nos votes afin de pouvoir

porter notre projet, celui que nous avons défendu durant la campagne. Enfin, nous avions

comme souci majeur de préserver la cohésion de notre Rassemblement afin de lui permettre

de continuer au-delà des élections, comme nous nous y étions engagés.

Au final, nous avons acté la non-participation à l’exécutif de l’ensemble des élus du

rassemblement et avons refusé le préalable de solidarité de gestion que voulait nous imposer

le PS. Nous avons tenu bon là-dessus de 1h du matin à 17h, sans dormir, en lien permanent

avec les représentants de l’assemblée représentative, militants et citoyens non encartés, qui

étaient présents toute la nuit dans une salle attenante aux discussions. Plusieurs

suspensions de séance nous ont permis de vérifier à chaque fois que le mandat était

respecté et que les décisions prises l’étaient avec l’accord de cette assemblée. Nous nous

sommes donc donné les moyens d’avoir un groupe autonome et uni du Rassemblement dans

la future assemblée.

Je sais les débats qui existent entre militants en ce moment, et j’invite à chacun à réfléchir

aux circonstances politiques dans lesquelles nous évoluons et à se poser la question de

notre responsabilité politique de manière sincère, en son for intérieur, sans posture ni faux-
semblants. Dans la Drôme, nous avons eu un petit aperçu à Romans ou au niveau du

département, en termes de financement des associations ou de la prévention jeunesse

spécialisée notamment. Un aperçu. Laurent Wauquiez est un homme dangereux, pas juste

libéral ou de droite, mais dangereux. Je pèse mes mots.

Je tiens également à dire que dans cette période tendue et difficile, je comprends et respecte

le choix de chacun. Ces choix ont tous leur légitimité en réalité tant la situation est confuse et

inédite, et j’invite tout le monde à faire de même, avec retenue et bienveillance. Mais

disparaitre des listes de second tour, puisque le mode de scrutin ne nous permettait pas de

nous maintenir, et faute de proportionnelle intégrale que nous réclamons depuis toujours,

revenait à faire disparaitre notre voix d’opposition, comme ce sera le cas dans de

nombreuses régions de France – le cas extrême étant en NPDCP et PACA, deux régions où

seuls la droite et le FN seront représentés. Nous y étions néanmoins prêts si notre autonomie

n’avait pas été garantie, et jusqu’au bout le retrait des listes est resté une vraie possibilité à

laquelle nous étions prêts.

Il n’y avait pas de bonne solution au vu de nos résultats, et hélas la campagne étrange que

nous avons vécue ne nous a pas aidés à être davantage en position de force. Donc nous

avions seulement le choix entre des « moins pires ». Pas de gaieté de cœur, en responsabilité.

Mais en conclusion il n’y a pas de « ralliement » : nous avons obtenu les moyens d’avoir un

groupe autonome du Rassemblement dans le prochain Conseil Régional, sans

compromission, pour représenter les électeurs qui nous ont fait confiance au premier tour et y

défendre notre projet en toute liberté et indépendance de pensée. Je précise face aux

tentatives d’intimidation que vous entendrez peut-être que si nos représentants sont élus, ce

sera grâce à nos électeurs de premier tour qui ont, par leurs suffrages, déterminés nos

éligibilités au second. C’est à eux donc et à eux seuls que nous devrons des comptes, et ce

sur la base du projet que nous avons porté au premier tour.

En cas de victoire de JJ Queyranne nous aurons donc un groupe de 19 élus, une dizaine en

cas de défaite, un groupe d’élus du Rassemblement qui votera en conscience et

responsabilité en fonction du projet que nous avons défendu, comme nous l’avons fait lors du

mandat précédent. Je ne demande à personne d’adhérer, mais juste de faire l’effort d’essayer

de comprendre les enjeux politiques et le dilemme auquel nous avons été confrontés, la

difficulté de tenir tous les bouts en tenant compte des débats légitimes qui nous traversaient,

et qui a été tranché de manière inédite par une assemblée représentative, au-delà des seuls

partis comme on avait coutume de le faire. C’est déjà en soi un progrès considérable.

Enfin, je souhaite remercier très chaleureusement les électeurs et camarades de la Drôme

qui ont participé activement à la campagne de premier tour, ainsi que tous ceux qui ont

participé à ces négociations, tâche ingrate comme on le voit, puisque dans ce cas on est

toujours le droitier ou le gauchiste de quelqu’un – voir par exemple ma réponse à Paul Ariès

sur Politis. Mais dans le marasme ambiant, et malgré le score terrible du FN dans notre

département, je souhaite prendre quelques lignes pour nous réjouir tout de même d’avoir

réalisé, en Drôme, un des meilleurs résultats du Rassemblement, avec la métropole de Lyon

et l’Isère, et dire comme je suis heureuse de nos 16% de votes à Crest, des 18% réalisés à

Die ou encore des 21% à Saillans.

Quel que soit le résultat de dimanche, la tache de nos élus sera rude et nous aurons besoin

de solidarité, de critiques constructives, de comités territoriaux du Rassemblement et d’une

assemblée représentative forts à nos côtés. L’enjeu est là, devant nous, dans un paysage

politique dévasté.

Tout ceci est loin d’être parfait. C’est même assez catastrophique à dire vrai. Un électeur sur

deux n’a pas voté, un votant sur trois a voté FN dans notre pays. Nous devrons en tirer les

leçons politiques et il est normal que nous ne soyions pas tous d’accord, nous avons besoin

de temps pour analyser cela d’un point de vue politique en laissant passer un peu de temps

pour ne pas réagir dans l’émotion. Mais une chose est sûre, l’heure est au combat culturel,

politique et de fond que nous avons à mener vers l’extérieur.

Faisons plus que jamais preuve de fraternité, d’écoute, d’empathie et de responsabilité. Je

prends moi-même violemment sur moi dans ce sens pour rédiger ce billet, pour vous dire

franchement, alors que je suis salement éprouvée. Mais les graines que nous avons semées

sont là. Nous avons labouré le terrain. Et si les épines nous cernent aujourd’hui, je veux

encore croire que si, sous l’effet du dévastateur el Niño lui même, le sol pâle du désert de

l’Atacama parvient à inverser le cours des choses et en extraire de quoi se couvrir de fleurs,

alors, un jour peut-être, nos colères fleuriront aussi.

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